Les relations humaines sont des espaces d’échanges extrêmement complexes.
Quand deux êtres humains sont en présence l’un de l’autre de manière répétée ou sur un temps assez long, il est courant d’observer les jeux relationnels à l'œuvre, comme les prises de pouvoir, ou au contraire les manques d’affirmation de soi.
Ce sont des écueils fréquents dans les couples, les familles, ou encore dans les univers professionnels, qui mènent à des relations non équilibrées et insécures, voire à des séparations, ou des démissions quand cela se passe au niveau professionnel. Les conséquences en sont souvent lourdes pour les protagonistes. De nombreuses souffrances pourraient être évitées avec une information, ou même une formation en communication.
La question est donc de savoir comment être communicants.
Je partage ici quelques réponses à ce sujet émanant de la maïeusthésie, approche qui concerne autant la communication que la thérapie et dont le fondateur est Thierry Tournebise.
D’autres réponses viennent de la Communication Non Violente perçue et divulguée par Marshall Rosenberg.
Un dernier élément de compréhension m’est apparu à la suite de différentes observations de situations conflictuelles.
L’approche de la maïeusthésie nous invite, lors d’un échange, à porter notre attention, non pas sur le message de notre interlocuteur, mais sur l’interlocuteur lui- même. En effet, nous pouvons constater que le message en lui- même ne nous donne qu’une information partielle. D’une part, il ne tient pas compte du non verbal et d’autre part, il place le message comme plus important que l’être.
Cet échange est alors considéré comme relationnel, mais pas comme communicant.
Chaque être humain est inestimable et doit être considéré comme tel. Quand nous considérons plus notre interlocuteur que le message, l’échange devient communicant.
Il va sans dire que cet être inestimable est digne du plus grand respect. L’état communicant ne peut se trouver que dans un espace d’assertivité, c'est-à-dire un espace dans lequel confiance en soi et respect de l’autre se côtoient.
Il est aussi entendu que la présence de l’interlocuteur n’est jamais un dû. Être présent c’est être un cadeau nous dit Thierry Tournebise.
Dans le même ordre d’idées, une question posée est toujours sans obligation, ni condition de réponse.
D’autre part, la validation existentielle en préalable à toute autre forme de réponse est nécessaire pour un échange communicant. Elle permet à notre interlocuteur de se sentir entendu, compris, accueilli et reconnu. Tout cela peut être compris en un mot: ok; ou encore, d’accord. Ce simple mot, exprimé avec un non verbal empli de présence et d’ouverture, fait une grande différence dans le fait de se sentir entendu, mais au-delà de ça, dans le fait de se sentir exister.
Quand cela semble nécessaire, un message de cohérence peut être apporté. Par exemple: “si tu t'ennuies mortellement chez nos amis, je comprends que tu ne veuille pas m’y accompagner”.
C’est seulement après ces étapes que notre interlocuteur sera en mesure d’entendre ce que nous avons à lui partager sur le sujet.
Ces quelques clés, non exhaustives, issues de la maïeusthésie peuvent réellement être aidantes pour une bonne communication, quand chacun des interlocuteurs veut bien prendre le soin de les faire sienne.
La CNV nous propose l’expression de nos émotions et de nos besoins comme aide précieuse pour être communicant. Il s’agit de parler de soi et non de l’autre, ou encore moins à la place de l’autre. Prendre la responsabilité de son propos en parlant à la première personne est essentiel pour ne pas incriminer l’autre. Par exemple, il sera préférable de dire “je me sens particulièrement agacé quand tu laisses traîner tes affaires”, que “tu m’agaces quand tu laisses traîner tes affaires”.
La reformulation est aussi un outil cher à la CNV. Elle permet de s’assurer d’avoir bien compris le propos de l’autre, mais elle offre aussi à celui qui vient de s’exprimer, de rectifier ou de préciser son propos si ce dernier a été mal ou pas compris. Elle permet donc de progresser pas à pas dans l’échange sans risque de distorsion des propos de l’interlocuteur. De plus, elle ouvre sur l’élaboration de la pensée de celui qui est écouté, puisque mettre en mots et entendre ses mots reformulés offre à aller plus loin dans son raisonnement ou dans l’expression de ses ressentis.
Que les points de vue se rejoignent ou qu’ils soient fondamentalement différents, chacun peut ainsi se sentir enrichi par l’échange.
Écouter l’autre et reformuler avant de s’exprimer fait parti des bases de communication en CNV qui, si elles ne sont pas spontanées dans un premier temps, participent à une communication juste et apaisée.
J’ai cependant observé des situations dans lesquelles tous ces outils de communication se révélaient inefficaces et ne permettaient pas une communication saine.
En effet, pour pouvoir communiquer, il faut être deux communicants. Et pour être communicant, il est nécessaire de savoir exprimer ses émotions et ses besoins. Pour cela il s’agit au préalable de pouvoir être en connexion avec soi. Les êtres coupés de leurs émotions ne sont, par conséquent, pas capables de les percevoir en eux et donc de les exprimer. L’autre est alors là pour endosser ce qu’ils ne voient pas en eux. De plus, à l’instar de ce qu’ils ne peuvent pas lire en eux- mêmes, ils se retrouvent dans l’impossibilité d’entendre ce que vit l’autre et ont le sentiment d’être injustement traités. Les jeux relationnels sont alors à l'œuvre avec les prises de pouvoir et les victimisations tour à tour. Un fonctionnement manipulateur peut alors voir le jour.
La base d’une bonne communication entre deux êtres semble donc être une bonne communication avec soi- même.
Comme nous n’avons, pour la plupart d’entre nous, pas appris à nous écouter, il s’agit de développer cette attention fine en soi. Pour cela, ralentir un rythme effréné et s’offrir des temps de pause avec soi-même sont des bons fondements. L'attention peut être portée dans un premier temps sur les sensations corporelles, puis sur nos différents sens; laisser les bruits de la nature venir à soi, repérer les murmures de notre corps, ou encore ceux du vent; sentir les parfums légers ou enivrants.... On pourra, dans un deuxième temps, s’exercer à ressentir nos émotions, à les nommer, décrire la façon dont nous les ressentons, est- ce qu’elles sont localisées dans le corps; s’exercer à les ressentir lorsqu’elles apparaissent à peine en nous, comme par exemple, les légers agacements qui pourraient presque passer inaperçus. Enfin. il sera possible de se mettre à l’écoute du sensible en soi, de l’infime, de l’indicible, tous ces micro mouvements en soi qui sont un monde en Soi.
La sensibilité à ce qui se vit en nous, son écoute et son expression sont de grands atouts pour communiquer avec soi et donc avec l’autre. Loin d’être évidentes lorsque l’on devient adulte, ces qualités se développent par l’attention que l’on se porte.
Il est aussi important d’aller à la rencontre de nos traumatismes. C’est bien souvent là que nous nous sommes éloignés, voire coupés de nos émotions. Les accompagnements en maïeusthésie, psychothérapie brève, sont un vrai coup de pouce pour mieux communiquer avec soi.
Chacun des êtres que nous sommes a à cheminer pour devenir cet être sensible en connexion avec lui- même et avec les autres. Nous sommes tous issus de ces générations pour lesquelles le pouvoir et l’avoir ont pris le pas sur l’être. Nous pouvons aujourd’hui faire le choix de subir les conséquences de ces modes de fonctionnement, ou de nous en affranchir en avançant sur les sentiers de l’ouverture de conscience, de l’accueil et de l’amour de Soi.