Nous faut-il être actif ? Est- ce important d’être rapide et efficace, de remplir notre temps ?
L’important n’est peut- être pas le rythme que nous donnons au temps, mais la qualité de ce qui est vécu dans ce temps. Je porte moins d’attention au rythme auquel je remplis mon temps, qu’à comment je me sens dans ce temps.
Et ce qui a peut-être autant d’importance à mes yeux c’est quelle trace je laisse au monde dans le temps qui est le mien sur cette terre.
Que j’ai vécu ma vie à courir ou à remplir mon temps avec une succession d’activités, ma vie n’en sera pas plus riche ou plus belle. Et je ne serai pas plus avancée à ma dernière heure d’avoir poursuivi un ou des buts illusoires.
Par contre, prendre le temps de m’arrêter aux carrefours de mon existence, de sentir en moi les mouvements agréables ou très inconfortables, m’offrir à accueillir ce qui est là pour moi me permet d’être, de laisser la vie me traverser et me transformer, me façonner pour devenir celle que j’ai à être.
Je suis de cette manière au cœur de mon existence, de ce qui est essentiel.
Je traverse cette incarnation avec l’élan de prendre soin de la Vie en moi et autour de moi.
Si j’ai une urgence c’est celle de ralentir ; parce que prendre soin ne peut se faire dans la précipitation. J’ai à cœur d’avancer à petits pas pour ne rien manquer de ce sur quoi je peux m’émerveiller ; pour être attentive à l’endroit où je pose mon pied, afin de ne rien écraser ; pour prendre le temps d’entendre le frémissement du vent dans les arbres, parce que seule ma présence lui donne réalité ; pour porter une attention délicate aux êtres avec l’envie qu’ils se sentent entendus ; pour apprendre à m’aimer, pour me laisser aimer, pour mieux aimer les autres…
Il faut du temps pour être soi ; il faut du temps pour être ensemble ; il faut du temps pour rendre grâce à la Vie.
Après quoi courons-nous ? Quel est le sens de remplir le temps qui est le nôtre ? En sort-on plus heureux ?
L’homme qui court est dans la fuite. Celui qui ne peut s’arrêter est dans l’évitement de soi.
Je le comprends. Nous sommes dans la culture du faire depuis si longtemps. La compétition a été glorifiée, a servi à se sentir exister dans ces siècles de survie qui nous ont précédés.
Il a aussi fallu œuvrer pour vivre avec un peu de confort et espérer être plus en sécurité.
Nous n’avons pas appris à être.
Et puis il est si difficile d’être face à soi. Cela propose en effet de regarder ses ombres qui ont été considérées si longtemps comme des démons.
Il est vrai que mettre de la lumière sur nos ombres revient à rencontrer ceux que l’on a été et ceux qu’ont été nos ancêtres avec toutes les souffrances qu’ils ont pu traverser dans l’omerta ou l’impossibilité à être entendus. Éclairer nos zones d’ombre nous offre à voir cette réalité et à ressentir ces émotions refoulées dans l’inconscient depuis si longtemps. Nous ne pouvons faire l’économie d’être présents à ces êtres souffrants et ici se trouve peut-être notre plus grande peur. Comment accueillir la souffrance ? Et si notre terreur était d’être aspiré dans ce gouffre profond ?
Pourtant l’expérience montre que la lutte pour ne pas voir n’est pas efficiente. Combien d’humains vivent d’éternelles souffrances de ne vouloir entendre ce qui se vit en eux ou s’est vécu avant eux, de cette fuite en avant qui les pousse à courir sans cesse dans un perpétuel évitement de soi ?
L’expérience montre aussi l’immense pouvoir de transformation à l’œuvre quand enfin on se donne le droit de s’arrêter et d’écouter, de plonger en soi avec cette attention délicate, d’accueillir ce qui se présente.
Nous avons tant à gagner à ralentir.
Derrière nos ombres se cachent en fait des cadeaux inestimables, des pépites : le précieux de qui nous sommes et l’immense bonheur de se rencontrer.
Cette rencontre est le préalable à notre ouverture aux autres, au monde et à l’univers. C’est parce que je m’offre le temps de ralentir, de m’arrêter, que je peux recevoir la caresse du vent, le sourire du passant et l’amour infini, ce qui se dit si peu par manque d’expérience, par pudeur, parce qu’on ne sait pas le dire, ou par peur de ne pouvoir être entendu dans cette expérience intime et précieuse. Combien de fois préfère-t-on taire ces sensations puissantes et merveilleuses, plutôt que d’être moqué, pas pris au sérieux, ou manquer de considération et d’attention?
Je suis psychopraticienne avec l’approche de la maïeusthésie parce que j’ai à cœur d’offrir cette posture d’accueil qui permet un chemin thérapeutique, un chemin de rencontre avec l’inestimable en soi.
Je suis profondément touchée de contribuer ainsi à ce que la vie circule avec plus de fluidité. L’être a avant tout besoin de reconnaissance et de considération pour que la Vie œuvre à travers lui. C’est ainsi qu’il devient celui qu’il a à être.
C’est pour moi le plus beau cadeau que l’on puisse faire au monde. Cela vaut bien que je m’offre du temps et que j’en offre aux autres.
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